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Mes treize oncles

Couverture du livre Mes treize oncles

Auteur : Vladislav Otrochenko

Traducteur : Anne-Marie Tatsis-Botton

Genre : Romans et nouvelles - étranger

Editeur : Verdier, Lagrasse, France

Collection : Slovo

Vladislav Olegovitch Otrochenko. Un nom qui ne vient pas des grandes villes littéraires du Nord mais d'une capitale du Sud, réelle et mythique à la fois, celle des Cosaques du Don - chevauchées à travers les hautes herbes de la steppe, charges militaires furieuses, chants, danses et festins sous le ciel étoile...

Otrochenko, un auteur cosaque ? Mieux encore.

Se jouant des clichés, il nous livre une prose fastueuse, éperdument généreuse, solaire, mêlant la fable et le réel, peuplée de petites gens qui échappent à l'absurdité de leur siècle par la grâce d'une déraison magistrale, claquant comme bannière au vent.

Mes treize oncles est une étrange saga où se croisent les treize fils du Cosaque Malakh, porteurs de vénérables prénoms et de gigantesques favoris marquant leur filiation, enfants d'une génitrice universelle, occupant une maison labyrinthique aux couloirs infinis. Les phrases s'allongent, s'enroulent et se prolongent telle une fratrie de mots galopant à la conquête d'un nouvel espace d'écriture.

Vladislav Otrochenko est né en 1959 à Novotcherkassk. Après des études de journalisme à Moscou, il a voyagé et vécu en Italie. Il est l'auteur de récits et essais couronnés par plusieurs prix littéraires. Ce roman, déclaré «meilleur roman de l'année» par la prestigieuse revue Oktiabr et traduit en italien, est son premier texte à paraître en français.

  • Les courts extraits de livres : 24/09/2012

Quand l'oncle Sémion se brûla accidentellement les favoris, il décréta le deuil dans la maison, fit voiler tous les miroirs de percaline noire et mit son costume noir à col de satin, qui puait la naphtaline à tel point que tous les moustiques et toutes les mouches de la maison s'enfuirent à tire d'ailes.
Le soir, il envoya à tous ses frères des télégrammes identiques :

VIENS TOUT DE SUITE, FISTON. LE FEU DE L'ENFER A DÉVORÉ MES FAVORIS. SÉMION MALAKHOVITCH.

Ce n'était pas le plus âgé des oncles, et ses favoris n'étaient pas les plus imposants - ceux de l'aîné, Porphyre Malakhovitch, lui tombaient aux épaules, et lui-même était si énorme qu'il avait du mal à passer certaines portes ; mais on ne sait pourquoi oncle Sémion avait pris le pli d'appeler tous les oncles «fiston», peut-être parce qu'il habitait et entretenait la maison où ils étaient nés, ou peut-être parce qu'Annouchka, qui avait mis les oncles au monde, le préférait à tous les autres.
Oncle Sémion affirmait qu'elle l'avait enfanté en cachette de Malakh et que son père n'était absolument pas ce soliveau stupide et décati, incapable de produire quoi que ce soit, à part un monstre comme l'oncle Porphyre ou une médiocrité comme oncle Iossia qu'Annouchka, par distraction ou par compassion envers sa cachexie maladive, appelait son «petit dernier», en mettant dans ce mot doux bien innocent une pointe de tendresse condescendante. Ce mot énervait oncle Sémion au plus haut point. Il suffisait à Annouchka de le prononcer en pensant au pauvre oncle Iossia pour qu'oncle Sémion ait une sorte d'attaque. Il s'arrêtait brusquement au milieu de la pièce et se figeait en une pose douloureuse, comme s'il avait reçu un coup de bûche sur la nuque. Il restait un petit moment sans bouger, à rouler rageusement ses yeux pâles, bleus comme des glaçons en janvier, jusqu'à ce qu'enfin l'indignation qui lui était restée en travers de la gorge retrouve la parole et se déverse en formules insensées.
- Ô monstrueuse vieille ! s'exclamait l'oncle Sémion, rejetant la tête en arrière et secouant en l'air ses doigts écartés. Ô charogne melliflue ! continuait-il après une courte pause, cherchant une intonation plus impressionnante pour la tirade grandiose déjà prête à s'échapper de sa poitrine, sans le moindre frein ou obstacle qu'aurait mis sur sa route l'instinct d'acteur toujours en éveil. Ô femme écervelée, combien de fois dois-je te rappeler qui, quand et dans quel ordre de succession a jailli, pour le malheur de l'Univers, de tes entrailles déchaînées ?



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